CHAPITRE 3.
Les vampires sont des créatures parfaites et c'est bien pour cela qu'ils ne sont pas humains. Ils ne feront jamais certaines choses. Ils n'ont pas la foi, ils ne communiquent pas avec Dieu, ils sont incapables d'apprécier la beauté, de créer une quelconque œuvre artistique. Ils ne sont rien d'autre que des monstres dépourvus de tout sentiment. Car tout ce qui les intéresse, c'est le sang.
Ces deux hommes devant moi pensent que je suis un monstre, un être dépourvu d'émotion, une tueuse, tout autant que les vampires. J'ai été élevée comme une humaine, j'ai reçue une éducation, je suis capable d'apprécier la beauté des choses, je suis capable d'aimer.
Pendant que mes deux ravisseurs me lancent des regards haineux, mon rythme cardiaque se ralentis. Je suis terrifiée , seul mon cœur bouge encore, cognant contre ma poitrine, les autres organes de mon corps semblent m'avoir lâchée. Je tente de me libérer de la chaîne qui me retient à la chaise, bien sûr, sans succès. J'inspire longuement et me calme, tentant de trouver une autre solution.
"je ne vais pas les laisser me tuer sans broncher. Me dis-je."
Alors que je m'apprête à hurler comme un cochon qu'on étrangle dans un abattoir -soyons honnête, c'est bien la seule chose que je sois capable de faire en cet instant- soudain, j'entends des bruits de pas. Quelqu'un qui court dans le couloir. Les pas se dirigent vers nous , ils s'arrêtent quelques secondes puis la porte s'ouvre brutalement dans un fracas à réveiller les morts. Lorsque l'inconnu pénètre enfin dans la pièce, je crois d'abord rêver en reconnaissant une silhouette familière, mais ce n'est pas un rêve. La peur que je viens de ressentir s'envole subitement quand je reconnais la voix d'une personne chère à mon cœur.
-Alexandra ...
Mon père s'élance vers moi en hurlant mon prénom, je suis si heureuse d'entendre sa voix. Sans réfléchir je me débats avec férocité, tirant une fois de plus sur les chaînes . En quelques pas seulement, il est devant moi et me prend dans ses bras en pleurant. Je pleure aussi, je ne pensais plus le revoir et il est là devant moi, en chair et en os.
Après quelques minutes de pur bonheur, il se redresse et plonge ses yeux dans les miens. Il a l'air épuisé , il parait aminci et un peu plus vieux que la derrière fois que je l'ai vu. Il me fait un large sourire. Cependant en le regardant, je lis sur son visage toute une variété d'expressions: la joie, la tristesse, la douleur... Puis il approche sa main lentement de mon visage comme s'il avait peur que je disparaisse et essuie tendrement mes larmes.
-Oh Dieu merci, j'ai tellement prié pour qu'on te retrouve saine et sauve mon bébé.
Mon père se tourne vers nos deux camarades et explose de rage. Je ne l'ai jamais vu dans cet état.
-Détachez-là immédiatement !
Le blond avance vers mon père , une expression de fureur sur le visage. Ce mec me donne la chair de poule mais mon père, lui, ne cille même pas.
-Nous n'avons pas d'ordre à recevoir de toi Ben.
Ben?
Mon père connaît-il ces personnes? Comment? J'ai du mal à y croire. Je m'efforce de raisonner clairement, le simple bon sens me dit que mon père ne peut connaître mes ravisseurs, sauf si... Sauf s'ils ont contacté ma famille pour une éventuelle demande de rançon.
Mon père toujours furieux, se lève, se place devant moi et croise les bras sur sa poitrine l'air menaçant.
-Jason m'a appelé, "dit- il " il m'a dit que vous aviez retrouvé ma fille, ce que je veux savoir les gars, c'est pourquoi la retenez-vous prisonnière?
les deux hommes se concertent du regard , le blond fronce le sourcils et regarde mon père, perplexe.
-Vous dites que Jason vous a appelé?
-Pourquoi, ça vous étonne? Vous étiez censés me mettre au courant comme convenu.
-Ca mon cher, j'ai bien peur que...
-Nathan fait ce qu'il te dit.
Je sursaute de surprise. La voix qui vient de donner cet ordre pousse à l'obéissance, elle est tellement grave et impérieuse, c'est comme si elle avait un double timbre.
Le blond est le premier à obéir, il avance près de moi et défait les chaînes avec une facilité presque déconcertante.
J'essaie de me mettre debout mais mon corps est trop longtemps resté immobile, je sens mes jambes m'abandonner. Mon père me soulève et me porte comme si je n'étais qu'une enfant, il pivote sur lui-même s'apprêtant à quitter la pièce.
Derrière nous, nos deux acolytes nous collent comme des aimants. Jason se tient près de la porte, les bras croisés sur sa poitrine, il a l'air furieux. Cette voix mystérieuse venait donc de lui!
Il s'est habillé depuis la dernière fois que je ne l'ai vu, il est vêtu d' un jean bleu foncé et d'une tunique noire. Malgré la fatigue, je ne cesse de le dévisager. Lui aussi semble avoir du mal à détourner son regard de moi.
Arrivé à sa hauteur, mon père s'arrête et le fixe imperturbable.
-Vous me devez des explications Jason. Dis mon père d'un ton aigre.
-Vous pouvez partir Ben, personne ne lui fera de mal.
Le timbre de sa voix a reprit ce ton chaud et puissant. Si bien que, pendant un instant, je crains avoir eu cette commotion cérébrale que je redoutais.
Son regard se pose sur moi, ses yeux verts me scrutent, il fronce les sourcils et me dit
-Je suis désolé pour tout ça ...
Je ne réponds pas, je me sens tellement épuisée et puis Je n'ai que faire de sa sollicitude. J'enfouis mon visage dans l'épaule de mon père. Ils discutent encore quelques secondes et enfin mon père gravit l'escalier qui mène au couloir.
Cependant malgré ma fatigue et mon bonheur de retrouver ma famille, des questions ne cessent de tourner dans ma tête. Qui sont ces hommes? Comment connaissent t-ils mon père? Comment savaient-ils où me trouver?
Dehors l'air est frais et humide, je ne reconnais pas l'endroit où nous nous trouvons. A quelques mètres de là, je reconnais la chevrolet Suburban de mon père, garé devant un arbuste. C'est à ce moment précis que j’aperçois mon frère s'élancer vers nous en hurlant mon prénom.
-Alex ..c'est toi!!!
Mon visage s'épanouit en un large sourire en le voyant. Il est tel que dans mes souvenirs. Grand, environ un mètre quatre vingt, mince, peau pâle, cheveux roux coupés en brosse, un joli visage avec des yeux bleus comme ceux de ma mère. L'ensemble est plutôt mignon, presque beau.
Nous nous jetons dans les bras l'un de l'autre et il m'enlace fortement contre lui, mon père s'approche de nous et nous enlace à son tour. Nous restons ainsi pendant de longues minutes. Quand enfin nous nous séparons, je m'aperçois que quelqu'un manque dans notre petit cercle familial.
-Où est maman?
Brian interroge mon père du regard comme pour lui demander la permission de me répondre, mais mon père le devance.
-Chérie, nous aurons tout le temps de parler à la maison, mais pour l'instant, tu dois te reposer, récupérer des forces.
-Parler de quoi papa? Je ne comprends pas.
Je les regarde l'un après l'autre, il se passe quelque chose et je n'aime pas ça. Mais l'un comme l'autre, gardent le silence. Je sais à quel point mon père peut être buté, le son de sa voix m'a fait comprendre que je n'aurai aucune explication ce soir. Je pousse un soupir d'exaspération.
-Ne t'inquiète pas, tu aura toutes les réponses, mais nous ne pouvons rester ici. Me dit-il.
Je les observe d'un air renfrogné, mon père semble fuir mon regard. J'en déduis que quelque chose est arrivé pendant mon absence. Quelque chose de grave.
J'essaie de résister à l'appel de Morphée, je voudrais bien savoir ce qu’il se passe. Pourtant, à peine montée dans la voiture, je n'ai aucun mal à trouver le sommeil. Mes yeux s'alourdissent et je sombre dans un endormissement profond.
C’est alors que je fais ce rêve qui me fait froid dans le dos.
Il fait nuit noire. Je me trouve sur le toit d' un gratte-ciel. De la fumée provenant d'en bas s'élève jusqu'au ciel nocturne. En bas, C'est le chaos. Des bâtiments entiers sont noyés dans les flammes, j'entends les cris d'agonie , des enfants pleurer, des gens crier à l'aide mais cela m’est égal, ils méritent tous de mourir. Je les observe pendant plusieurs minutes du haut de mon toit puis je me concentre. Faisant appel à une partie de mon pouvoir, une boule de feu commence à se former dans ma main droite, la boule grossit dans ma paume, cependant je ne ressens aucune chaleur. Elle grossit, grossit encore..., quand elle atteint la taille d'un ballon de football, je la lance vers les habitations. Elle fait un bon et percute plusieurs maisons à la ronde, brûlant tout sur son passage. Ce fut d'une violence inouïe. Un vrai cauchemar.
Je regarde une dernière fois l'enfer dont je suis la cause, avant de m'envoler vers le ciel.
Je survole la ville à seulement quelques mètres du sol. Je suis enfin libre, je ne me sens en totale liberté que quand je vole. En bas le spectacle est saisissant, la ville toute entière est sous l'emprise des flammes. J'entends les plaintes des humains, ils hoquettent, s'étouffent, crient, brûlent. Leurs yeux me lancent des lueurs accusatrices. J'aurai voulu m'attarder pour savourer ma victoire mais j'ai plus urgent à faire.
Après avoir survolé la ville, j'arrive enfin à ma destination. J'atterris , dans une clairière à quelques kilomètre de la ville. Je reste là, debout au centre de la clairière à attendre je ne sais quoi, avec l'impression d'être la personne qui avait massacré toutes ces personnes, réduit tout en cendres. Et en même temps, j'ai le sentiment que l’auteur de ce drame était quelqu'un d'autre.
Une vapeur sort de ma bouche, l'air est glacé, sans m’en être rendu compte. Quelques secondes s'écoulent avant que je lève les yeux. J'aperçois des créatures aillées tournoyants en spirale dans le ciel nocturne. Le spectacle est magnifique.
Sans même ouvrir la bouche, par la simple pensée, je leur ordonne d'atterrir.
Ils sont nombreux, tous habillés en noir, ils ressemblent à des guerriers. De grosses bottes de militaires viennent s'ajouter à leurs sombres uniformes. Leurs ailes sont toutes aussi noires. Cependant l'un d'entre eux n'est pas un guerrier, il n'a pas d'aile et est mal en point. Il a le visage enflé.. Les deux guerriers qui le maintiennent debout le poussent vers moi sans ménagement. Puis l'un d’un l'oblige à s'agenouiller.
Je m'approche de lui à pas lents.
-Tu sais qui je suis. Dis-je.
-Ca ne peut pas être vrai. Répond l'homme, ses yeux fixés au sol.
-Oh si tu le sais, ton instinct a toujours su te guider, ne t'en détourne pas maintenant. J'entends mon nom résonner dans ta tête, dis-le.
Il se mit à tousser et à cracher du sang.
-Pourquoi? Me demande t-il.
Je m'approchais d'un pas vers lui, j'étais furieuse.
-Tu as prononcé ma condamnation à mort, tu n'as pas hésité à me laisser à la merci de ces bâtards. C'est le châtiment que tu m'avais réservé.
-Tu a tué tes frères. Dit-il dans un souffle.
-Ils étaient faibles.
-Mais ils étaient tes frères. Cria l'inconnu en relevant la tête, je pouvais lire un mélange de souffrance et de mépris dans ses yeux. J'ai su en le regardant qu'il ne souffrait pas à cause des coups qu'il avait reçus, mais il souffrait pour moi. Malgré ma haine envers cet homme, je savais que je l'aimais et que lui aussi m'aimait.
-Je te croyais mort, continu l'inconnu, j'avais raison.
-J'ai eu confiance en toi pendant des milliers d'années...je dépendais de toi quelque soit le temps et l'espace. Aujourd'hui dans tes yeux je ne vois que du mépris, je vois la trahison...alors j'aimerai savoir pourquoi m’as-tu trahi ?
-Je ne t'ai pas trahi c'est toi qui nous a tourné le dos. Regarde-toi, Tu vas sacrifier un monde pour satisfaire ton égo.
-Tu ne connais rien en matière de sacrifice.
-Il y a d'autres sentiments que tu ignores. Dit-il, tu crois être libre mais tu te trompes.
Je m'accroupis et approche mon visage du sien, les guerriers nous encerclent à présent. Je le scrute, j'examine son visage soigneusement, je veux savoir ce qu'il ressent, car malgré tout ce qui nous sépare, cet homme a été mon mentor . Avant j'aurai tout donné pour l'avoir de mon côté mais cette époque est révolue.
Il est mal en point mais ne cille pas une seconde, il me regarde droit dans les yeux. Il est courageux, il l’a toujours été. Je me penche sur son oreille droite et murmure.
-J'en connais plus que tu n'en sauras jamais.... Tu m'as poussé à l'exil. C'est moi qui dicte les règles ici et je te promet que tu vas bientôt en subir les conséquences... mon frère.
Je me réveille en sursaut.
Pendant un instant je ne peux me rappeler où je suis, je fixe le plafond, en pleine confusion. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, mais à présent, le soleil entre à flots par la fenêtre. Je me frotte les yeux pour revenir à la réalité, ce rêve était tout aussi prégnant que les autres. Bouleversant, Terrifiant.
Je me lève péniblement de mon lit . Un coup d'œil circulaire m'apprend que je me trouve dans ma chambre, elle n'a pas changé. Les murs sont toujours peints en orange et brun pastille, ces couleurs ont été choisies par ma mère. Ma Chambre est en semi mansardée , ma mère l'a décorée dans les tons chauds du Sahara. Quand les rideaux sont tirés, on a l'impression de dormir dans une tente de touareg au milieu du désert. Tout ce mélange de couleurs est absolument magnifique . Ma chambre me rappelle à quel point ma vie d'avant mon kidnapping m'avait manqué.
Sortant de mon lit en baldaquin, je me lève et m'approche de la fenêtre. Le paysage qui s'offre devant moi est sublime. Un sourire s'étale sur mon visage,
je suis chez moi.
Dehors une large pelouse s'étend de la porte de la maison jusqu'au sous bois, je ne me lasserai jamais de contempler depuis ma fenêtre les montagnes basses et vallonnées, l'immense forêt qui s'étend à des kilomètres. Les arbres commencent déjà à perdre leurs jolies feuilles multicolores, il y en a déjà beaucoup sur le sol, nous sommes probablement entre le mois d'octobre et de novembre. Le soleil est déjà moins brûlant, la forêt est colorée en jaune et orange, certaines feuilles sont même rouges. Le spectacle est d'une beauté à faire pleurer même les hommes les plus insensibles.
Ma famille et moi habitons à Portland dans l'extrême nord des Etas-Unis, dans l'Etat du Maine, ici les quartiers résidentiels, se comptent par centaine. La région est la plus peuplée de l'Etat, des fortes pluies s'abattent régulièrement dans notre région, nous sommes en automne et en cette période de l'année les pluies sont fréquentes , on leur a même donné un nom: le Pineapple express .
Finissant de contempler ce magnifique paysage,
Je m'habille à la hâte et m'élance dans le couloir presque en courant.
Depuis le couloir, j'entends des voix provenant d'en bas. Ma chambre se trouve à l'étage au fond du couloir. Les voix sont celles de mon frère et de mon père. Une odeur d'œuf et de bacon s'échappe de la cuisine, je sens mon ventre gargouiller. Cela fait un petit moment que je n'ai pas mis quelque chose sous la dent. Quand je pénètre dans la cuisine, mon père me lance un sourire chaleureux. Mon frère assit sur un tabouret près du bar me fait un petit sourire timide mais tout aussi chaleureux.
-Bien dormi?demande mon père
-Ouai...
Brian sourit, prends un verre le rempli d'un jus de fruit et me le tend.
-Merci.
J'avale le liquide en quelques secondes. Ce dire à quel point la faim brûle mes entrailles.
-Toujours une marmotte hein! Me lance-t-il.
Je regarde autour de moi, toujours pas la présence de ma mère. Au fond de moi, je sais qu'il est arrivé quelque chose de grave. Sinon pourquoi évitent-t-ils le sujet? j'ai très envie de voir ma mère alors je pose la question qui me turlupine.
-Bon , vous allez vous décider à me dire où se trouve maman?
-Tu ne veux pas d'abord manger quelque-chose, je doute que Jason et sa bande t'a nourri comme il se ...
-Papa, arrête. S'il te plait.
-Autant lui dire tout de suite, tu la connais. Dit mon frère en défiant presque mon père du regard. elle est aussi butée que toi.
Leur attitude est plus que suspecte, je sens mes poils se dresser sur ma peau.
-Assied-toi Alexandra. Me dit mon père d'un air sérieux
-Tu me fais peur papa.
Je jette un coup d'œil en direction de mon frère, il se lève et arpente la petite pièce telle une âme perdue. Il eut un long moment de silence puis mon père relève les yeux et je lis de la souffrance à l'état pur se peindre sur son visage.
Jusqu'au dernier moment, je m'accrochais à l'idée qu'il n'y soit arrivé rien de grave à ma mère mais au fond de moi, je sais que l'irréparable s'est produit.
Mon père détourne le regard et prononce la phrase qui me plonge dans un abîme sans fin et me gâche ma première journée de liberté .
-Ta mère est morte Alexandra.